Entre le saut en hauteur, le mannequinat et les différents coachings, la Guinéenne Fatoumata Balley, aux multiples casquettes, vise toujours les sommets. Portrait d’une femme au parcours du combattant qui aujourd’hui s’assume pleinement.
« La Guinée c’est un pays pauvre et dans les pays pauvres il y a souvent un côté très chaleureux, très souriant alors que les gens vivent dans la misère. Quand on y arrive on se sent dans de bonnes énergies et quand je vais à Conakry je me sens bien, je me sens chez moi. »
Sa maison, Fatoumata Balley va être contrainte de la quitter à la suite d’un grave accident. Alors âgée de seulement 18 mois, elle ingère malencontreusement de la soude caustique qui lui brûle complètement l’œsophage. « Il y a mon oncle et ma tante qui vivent en France et qui se sont battus pour me faire venir et me faire opérer, parce qu’en Guinée il n’y avait pas les moyens nécessaires ». La petite fille de l’époque est alors prise en charge dans l’hexagone mais une fois sortie d’affaire, cette dernière ne peut finalement pas rentrer dans “son chez-soi”. « Je me fais opérer et à la base je devais directement repartir mais ils se sont rendu compte que mon état de santé ne me le permettait pas. Du coup c’est mon oncle et ma tante qui m’ont élevé ici. »
Séparée de ses parents, la Guinéenne se sent « différente des autres enfants » et reçoit beaucoup de moqueries à son égard. Mais cette mésaventure, c’est aussi ce qui a fait « la personne que je suis aujourd’hui. Mon caractère de battante, de guerrière, je le dois à cet accident. »
Le grand saut
Très jeune, Fatoumata découvre l’univers de l’athlétisme où elle se spécialise au fil des années dans une discipline bien particulière : le saut en hauteur. « Ce n’est pas la discipline de l’athlétisme la plus facile. On a peut-être l’impression que c’est moins physique mais c’est extrêmement mental et très technique. Quand j’arrive à ma marque, je suis toute seule avec moi-même face à la barre. C’est ça que j’aime, me dire que je vais toujours sauter plus haut, comme si on volait. »
En parallèle, elle réalise des études en Start-up management qui lui feront poser ses valises à Amiens en 2017. Déjà licenciée par le passé dans différents clubs, la Guinéenne veut découvrir ce qu’est l’Amiens Université Club Athlétisme qui devient très rapidement son « club de cœur ». « Je suis arrivée à l’AUC à un moment où mentalement je n’allais pas super bien et je suis tombé sur Jean-Paul Bourdon qui nous a malheureusement quitté. Il m’a vraiment bien accueilli, il a su m’écouter, voir ce qui n’allait pas et trouver des solutions pour me faire évoluer très rapidement. »
Le fidèle entraîneur de l’Amiens UC a marqué de son empreinte la vie de l’athlète. « Il a cette écoute, cette façon de parler. Il était tellement généreux. Ce ne sont pas tous les entraîneurs qui sont comme ça. Pour moi il est toujours là, je pense toujours à lui. Quand je réussis des performances j’ai toujours une pensée pour lui. J’espère et je pense qu’il est fier de moi là où il est. » À tel point qu’elle en parle au présent durant notre entretien.
Ces dernières saisons, les barres m’ont bien obéi
Aujourd’hui l’athlète est encadrée par deux coachs, Alioune N’Diaye qui s’occupe de la musculation et Irina Lanchais de tout l’aspect technique du saut en hauteur. Un trio qui va très vite faire ses preuves. À la maison, au cours de l’une des premières compétitions depuis cette nouvelle association, Fatoumata bat son record personnel à deux reprises portant celui-ci à 1m86, atteignant par la même occasion le niveau international selon la cotation FFA (IB). «Le Meeting National d’Amiens, c’était vraiment un concours de fou. Au niveau de la pression ce n’était pas facile parce que j’étais à domicile, j’avais été première l’année dernière donc fallait que je garde ma place. En plus, on était sur la piste Jean-Paul Bourdon. Il y avait tout un tas d’émotions. […] Déjà je saute 1m83, donc record et première place, mon objectif était fait. Et là tout de suite dès que je passe la barre, je me suis dit que j’étais largement capable d’aller chercher plus haut donc je reste concentrée. Dans ma tête je me vois en train de passer 1m86 mais premier essai ça ne passe pas parce que mentalement je suis un peu sortie. » Et après une petite erreur technique à la seconde tentative, dans la troisième chance « il s’est passé ce qu’il s’est passé. Je suis très contente et très fière.” La Guinéenne enchaîne avec les Jeux de la Francophonie, sa première compétition internationale, qu’elle remporte également : « Ces dernières saisons, les barres m’ont bien obéi, elles sont bien restées là où elles étaient. On va aller chercher encore plus loin. »
Sur la route des Jeux, comme une évidence
Lorsque l’on évoque les Jeux Olympiques, Fatoumata est convaincue « ce n’est pas une supposition, j’y serai. » Elle le sait, elle en a encore beaucoup sous le pied et tient absolument à représenter son pays natal « C’est le pays de ma maman que j’aime beaucoup. J’ai à cœur de représenter la Guinée aux Jeux Olympiques. » Pour être au rendez-vous, l’amiénoise devra soit atteindre la barre des 1m97 soit faire partie des 32 meilleures mondiales. Un objectif qu’elle juge « accessible » à moins d’un an du début de la compétition.
Une vie bien remplie derrière l’athlétisme
Si l’emploi du temps d’un athlète quel qu’il soit est déjà bien chargé, celui de Fatouma l’est d’autant plus qu’elle s’adonne pendant son temps libre au mannequinat et au coaching en développement personnel. La 2ème dauphine de Miss Guinée France 2023 sait par quoi elle est passée et veut, de manière très sincère, « aider les autres à devenir la meilleure façon d’eux-mêmes. » Par son parcours inspirant, elle qui initialement n’était pas forcément bien dans sa peau, sent qu’elle peut être un soutien essentiel pour les personnes qui, comme elle par le passé, n’arrivent pas à s’accepter.
Comme un symbole de la fierté qu’elle peut avoir quand elle se regarde dans le miroir, l’athlète a inscrit éternellement sur sa peau ce qu’elle appelle sa phrase de vie « N’aies jamais honte de qui tu es. »
Tout va s’enchaîner pour Fatoumata Balley qui a aura prochainement de grandes échéances déterminantes. L’optimiste guinéenne aura besoin d’un maximum de soutien pour que les barres continuent d’obtempérer et comme elle nous l’a si bien dit : “Suivez-moi ça promet !”.
Source : gazettesportslemag.fr