Natif de Conakry, Mamadou Bah est devenu aujourd’hui l’une des figures incontournables de la mode et du monde du basket aux États-Unis. Avec sa marque baptisée C’est Bon, ce jeune Guinéen qui a convaincu des stars de la NBA de porter ses créations connait une véritable success-story de l’autre côté de l’Atlantique.
Mamadou Bah a beau être jeune, c’est un homme pressé et toujours prêt à plaisanter sur son destin. Amoureux du basket depuis toujours, le natif de Conakry rêve de NBA, mais a vu son objectif « brisé ». « Bon, comme beaucoup de gens qui utilisent cette « excuse », je me suis vraiment blessé gravement au genou, avec une rupture des ligaments croisés. Mais je pense surtout que… Je n’étais pas assez doué pour devenir un joueur NBA [Rires] ! », sourit-il à ce sujet. Mais celui qui est désormais proche des grandes étoiles de la meilleure ligue du monde a tout de même réussi à se frayer un chemin vers le ballon orange par son autre passion : la mode.
Né à Conakry en 1995, le jeune Mamadou vit, avec sa famille, dans la capitale, mais veut quitter le pays pour un avenir meilleur. En 2002, le clan Bah traverse l’Atlantique pour s’établir à… Detroit, dans le Michigan, alors que généralement l’immense majorité des migrants guinéens s’installent sur la côte est du pays. « La transition a été facile pour moi, souligne-t-il, ma mère avait deux emplois pour joindre les deux bouts, elle a toujours tout sacrifié pour nous. Ça m’a motivé et sans elle, je ne serai pas où j’en suis aujourd’hui. »
Mamadou est fou de ballon orange, regarde avec des étoiles dans les yeux les matches de LeBron James et autre Dwyane Wade à la télévision, et devient curieux de mode au collège. « J’aimais les baskets, et un peu avant le lycée, j’ai commencé à analyser les styles vestimentaires et apprendre la fabrication et la création de pièces, souligne-t-il. En arrivant à l’âge adulte, j’ai voulu essayer quelque chose : avant de créer la marque C’est Bon, j’ai créé avec un groupe d’ami un sweatshirt, qui était un test plus qu’autre chose. »
Mamadou arrive à l’université, avec une place dans l’équipe de basket de Northern Michigan, mais se blesse et mets les cours de côté. Il réfléchit à son avenir, et décide de se lancer définitivement dans la mode, malgré la réticence de plusieurs personnes de son entourage. « Je donnais des conseils mode à des amis, je leur concevais quelques vêtements, mais on se moquait un peu de moi [rires], j’ai donc pris le taureau par les cornes et je me suis dit que j’allais créer ma propre marque », se souvient-il. En 2016, il décide de partir à Los Angeles, enchaîne les petits boulots dans la mode, et passe de longues nuits à plancher sur son projet.
En 2018, il lance C’est Bon. « Pour trouver le nom, j’avais posé une cinquantaine de propositions sur un papier et rapidement, je voulais quelque chose qui sonne différemment que les marques américaines. J’ai donc choisi C’est Bon, traduction de « It’s all good », pour créer ma propre vision, ma propre identité pour mes créations vestimentaires », précise-t-il. L’aventure de Bah dans la mode démarre véritablement.
Jordan, Fashion Week parisienne et la Guinée dans l’âme
Dans la cité des Anges, il crée des t-shirts, se construit un réseau et apprend les ficelles du métier. Il commence par exposer ses créations dans des boutiques éphémères, et ses produits se vendent comme des petits pains. En 2019, il décide de se rendre à Paris pour la Fashion Week en ouvrant un pop-up store dans la capitale. L’expérience est mitigée, mais Bah réalise qu’il veut passer à la vitesse supérieure. « Je faisais des t-shirts, mais cela ne me suffisait pas. J’ai donc commencé à coudre des vestes, des pantalons, et avec le lancement de notre pantalon « cargo » tout est allé très vite », se souvient-il.
Sa réputation monte en flèche, mais le Guinéen voit les choses tranquillement, sans pression. Il travaille dur, passe des longs mois à coudre, retoucher, recouper ses collections, sans se préoccuper de suivre les tendances. « Je ne me dis jamais « Ils font comme ça, donc je vais faire comme tout le monde », précise-t-il, car je pense que le mode est le monde de tous les possibles, et je déteste faire comme les autres. Je veux que MA touche personnelle soit MA marque de fabrique de mes vêtements. C’est l’essence de la marque », soutient-il.
Des stars de la NBA commencent à porter ses vêtements, comme Dwyane Wade, la légende du Miami Heat et Anthony Davis, le lieutenant de LeBron James aux Los Angeles Lakers, et au début 2021, une collaboration vient lui ouvrir une nouvelle porte. Il est contacté par la marque Jordan pour apporter sa touche à une paire de basket qui cartonne parmi les fans de sneakers. « C’était un rêve de gamin qui se réalisait ! J’ai pu apporter ma touche et mes origines dans la conception de la chaussure, j’étais comme un gosse quand elle est sortie », sourit-il. Ses origines, qui le suivent partout, et qui l’inspirent, tout le temps.
Malgré de rares voyages en Guinée depuis son arrivée aux États-Unis, Bah garde toujours le pays dans son cœur, dans son quotidien. « Je parle très souvent avec ma mère en Fulani, mes plats préférés sont le mafé et l’attiéké, et je m’inspire de l’Afrique dans mes créations. Je suis Guinéen, Africain, et j’aimerais développer des projets sur le continent pour aider dans le domaine de la mode, et inspirer la jeunesse en leur montrant que l’Afrique a du talent », affirme-t-il. Et d’ajouter : « Je suis heureux de voir que des gars comme Youssouf Fofana, de Maison Château Rouge, mais aussi Hussein Suleiman, de Daily Paper par exemple, cartonnent et montrent que les modes à influences africaines sont plus exposées que jamais. »
Invité à faire défiler sa collection à la Fashion Week de Paris il y a quelques mois, où il a fait venir plusieurs stars NBA dont Shai Gilgeous-Alexander, Mamadou Bah ne lève pas le pied, et en veut toujours plus. « Je travaille sur une nouvelle collaboration avec la marque Jordan, et sans arrêt sur mes collections. Je veux durer, et avoir un impact au-delà de cette industrie », assure-t-il. « Ce n’est encore que le début de cette superbe aventure. »
Source : rfi.fr